Je t'ai dit et je t'ai répété
Que tu étais belle
Ce matin-là, il y avait un renardeau, à l'entrée de mon village.
Un renardeau mort, étendu au milieu de la route.
J'aurais voulu fermer les yeux, pour ne pas le voir.
Mais si je l'avais fait, derrière mes paupières fermées,
Alors c'est toi que j'aurais vu
Toi, au volant de ton SUV
Trop pressé certainement d'aller travailler
Je t'aurais vu en train de te plaindre de ton emploi du temps de président
Et pourtant, plus tu as de choses à faire, plus tu te sens important
Et moins tu penses à ce qui l'est vraiment
Le soir venu, tu auras tout oublié de cet animal sauvage
Tu prendras une photo de toi, à côté de la piscine, sur la terrasse en bois
Parce que tu l'as bien mérité
Le pire, c'est que quand on commencera à récolter ce que tu as semé
Tu seras pas le premier à crever
Le pire, c'est que ça a déjà commencé
Mais tu t'en fous,
Tout ce que tu veux, toi, c'est bouffer, baiser
Et regarder le foot à la télé
Et puis je t'aurais vu en train de me dire qu'il fallait me calmer
Que j'étais qu'une boule de colère ridicule, que je devais respirer
Et je t'aurais répondu justement, que j'avais plus que ça :
La colère, comme carburant, pour continuer
Que sans elle, peut-être que j'aurais renoncé, d'ailleurs
Comme certains de mes amis l'ont déjà fait
Alors au lieu de ça,
J'ai gardé les yeux grand ouverts
Et j'ai avancé
juillet 2021
On dit souvent que je suis pessimiste
On dit souvent que je suis négative
Je demande pardon
Pour ce poison distillé
Mais ces ténèbres ont leur utilité
Car ce que j’imagine n’est jamais arrivé
A la place, finalement, ce sont
Des rires, des succès, d’agréables surprises
Usurpant le scénario du pire
Et même si certains jours
Mon pessimisme l’emporte sur le reste,
Je sais aussi qu’il me suffit d’un rien pour faire entrer la lumière.
Une fleur, une mare, un œil ouvert dans la clairière
mars 2021
J'aime pas quand j'ai l'impression que Maman regarde mon frère plus que moi.
Dans ces moments-là, c'est comme si j'existais pas.
Comme s'il avait un truc que j'avais pas, je sais pas quoi.
Des fois je fais des bêtises pour que Maman regarde que moi
Des fois je fais exprès de faire des trucs qui lui plaisent pas
Et j'aime pas quand Maman pleure le soir parce que Papa rentre tard
Mais j'aime bien quand Maman fabrique des petites souris avec de la feutrine
J'aime bien quand elle joue aux légos avec nous
J'aime bien quand elle dessine, elle fait des beaux dessins, ma Maman
J'aime bien quand on chante et qu'on danse dans le salon tous ensemble en écoutant de la musique
Même si elle fait du yaourt quand elle chante, ma Maman
Et j'aime bien comme elle plie les chaussettes, ma maman, avec amour, comme si elle langeait avec soin un petit bébé.
Alors, quand je serai grande, c'est promis,
J'aurai qu'un seul enfant, pour être sûre de pas l'aimer plus ou moins qu'un autre
Je promets de quitter tous les hommes qui me feront attendre trop longtemps, Maman
J'apprendrai par cœur les paroles des chansons
Pour les chanter à tue-tête dans mon salon
Et aussi
Je serai une artiste, une vraie, juré promis
Et puis, quand je serai grande, je plierai les chaussettes exactement comme toi, Maman
Voici venu novembre, et la pluie, et le froid...
Et avec lui, le son usant ou amusant d'une plainte
Sortie de la bouche de certains hommes, qui
Chaque année, râlent, comme si
Le temps
Était aussi la faute du gouvernement...
Et tandis qu'ils étaient devant leur écran de télé
Suppliant le Dieu météo de se montrer plus clément
Chaque soir de pluie, lorsque la nuit tombait
Moi j'attendais, les mains jointes, le cœur battant
De voir apparaitre
La Fée de la Nuit, la Fée de la Pluie
Dans le corps incarné
D'une Salamandre tachetée
J'ai souvent fait ce rêve éveillé d'une maison au bord d'un lac.
Il y aurait un ponton pour s'asseoir tout près de l'eau.
Autour de la maison, il y aurait une forêt.
Et au bout de la forêt, un autre lac.
Autour des lacs, il y aurait des tourbières
Autour des tourbières, il y aurait des forêts
Des arbres encore et encore
A perte de vue
Et puis, jour et nuit,
Cette lumière
Qu'on n'oublie plus
Rêve, un jour de juin, j'ai voulu dire ton nom
Et je t'ai baptisé :
Finlande
Ma recette pour te rendre heureux est un bricolage
Un peu de colle ici, là, une agrafe, un rafistolage
Tout droit sorti de ma boîte à outils
Ne regarde pas dedans, j'y ai caché
Tous les remords et les regrets
Ma recette pour te rendre heureux est un mystère
Un filtre d'amour dans un chaudron de sorcière
Ne regarde pas dedans, j'y ai dissous
Toute ma rancœur et mon courroux
Ma recette pour te rendre heureux est un sortilège
C'est l'empreinte de ta main sur mes seins couleur de neige
Peut-être alors croiras-tu que c'est un piège
Puisqu'à ce moment-là je te laisserai
Me regarder
Quand vient l'hiver,
Je fais des photos du sol
Pour garder les pieds sur terre
Pour garder les pieds sur terre
Je fais des photos du sol
Mais fatalement
Vient toujours ce moment
Où je décolle
J'imagine des choses qui n'arriveront jamais
Des couleurs qui n'ont jamais existé
Certains diront sans doute que je suis perchée
Peu importe ce qu'ils pensent, peu importe ce qu'ils disent
Peu importe l'hiver
Puisqu'il y a dans mon imaginaire
Suffisamment d'espoir
Et de folie... pour y croire
Regarde,
Cherche bien
Je suis là
Quelque part
Blanche comme le sable
Et comme l'eau, insaisissable
Essaie de m'attraper
Et je glisse entre tes doigts
Comme l'Océan
Si Calme, pour un instant,
Et puis sans prévenir
Je vais gronder à n'en plus finir
Et déchainer sur toi ma vague de colère
Mais n'aie pas peur, car... je l'ai dit :
Je suis comme l'Océan
Comme le flux et le reflux
Qui, dans un ressac incessant
Avant d'être parti, est déjà revenu....
Octobre 2018
Un jour d'octobre, je me suis perdue dans une forêt de Pins
Perdue ou Retrouvée, je ne sais plus
Mais je savais que c'était dangereux car,
Si l'on s'approche un peu trop
On commence à sentir leur parfum magnétique
On a envie de retirer ses chaussures, pour se sentir encore plus petite
Et puis je me suis dit :
Tant pis...
Je me suis approchée tout près d'un Grand Pin
Je me suis collée à son tronc
Et ma peau contre son écorce
Je lui ai chuchoté :
Grand Pin, Répare-moi
Répare-moi s'il te plait
Donne-moi un peu de ta sève
Pour recoller
Les morceaux de moi qui sont cassés
octobre 2018
Qu'est-ce que vieillir, sinon perdre peu à peu ses illusions ?
Et suis-je si vieille que cela, pour ne plus en avoir aucune ?
Suis-je si vieille que cela, pour avoir l'impression d'avoir vécu plusieurs vies ?
J'ai croisé le loup, et je lui ai donné mon corps.
J'ai rencontré le renard, et je lui ai donné mon cœur...
Mais si je n'ai plus d'illusions, il me reste le désir, et l'espoir
De te croiser un jour, le Poète Maudit
Je ne te donnerai alors
Ni mon cœur, ni mon corps
Mais tu pourras prendre mon âme
septembre 2018
Ce matin, j'ai senti que mon cœur était froid,
Sur le dos je gisais, avec toi dans mon lit,
Un cadavre, un zombie, dans mon linceul d'effroi
Quand le coq a chanté, je me suis levée, vite
Et pour te rassurer, un mot, un geste, un rite
Cinq heure quarante trois
Alors, j'ai cru peut-être
A un nouvel émoi
En ouvrant la fenêtre
Mais mon cœur était froid,
Comme l'aube à la vitre,
Comme le dernier chapitre
De mon amour pour toi
J'ai cru à tort,
que c'était ça l'amour,
Cette communion immatérielle qu'on appelle fusion
J'ai cru à tort
Que c'était ça l' amour
Être l'un dans l'autre, mais ce n'est qu'une illusion
L'amour c'est être au bord
Tu sais comme on est au bord de l'eau
Et même en se baignant dedans, parfois
On ne s'y mélange jamais vraiment
L'amour c'est être au bord
Être au bord, impuissant
Quand l'eau se perd en tourbillons
Ou vient à se tarir
L'amour c'est être au bord
Espérant, remuant, écoutant
Le bruit de sa respiration
L'ampleur de ses soupirs
Et Toi l'étranger
C'est ici que j'ai choisi de rester
Au bord de toi
Last night I dreamed
That you could see the blood run out of my veins
Changing to a million stars
And then it runned to the sky
Flying to a place of mystery
Falling down
Millions of lights falling
Over the waterlilies
octobre 2017
Je ne te connaitrai jamais.
Je ne saurai jamais qui tu es.
J'aurai beau te regarder pendant des heures,
Essayer de lire à travers l'opacité de tes yeux,
Tu seras toujours, avant de l'être pour moi,
Un mystère pour toi-même.
Confrontée à cela,
Je sens mes âmes se démultiplier.
Il y a celle qui s'auto-mutile,
Celle qui crache le feu pour tout réduire en cendres,
Et celle qui observe,
Impassible,
L'étrange absurdité de l'être que tu es.
Ces trois âmes réunies font
Que je n'ai pas d'autre choix,
Je n'ai qu'une évidence,
Celle de placer une confiance aveugle en moi-même,
Le grand
L'unique
Le seul mystère,
Enfin résolu
Septembre 2017
Tu dis que tu n'aimes pas
Quand les gens roulent trop vite
Et pourtant
T'as foncé dans le décor
T'as foncé dans le décor
Et t'as tout cassé
Pourtant, je l'aimais bien c'est vrai,
Dessus il y avait
Des fleurs de lotus, et des carpes koï
Des fenêtres grandes ouvertes sur l'avenir
Et des bambous à n'en plus finir
Maintenant que ses morceaux gisent sur le sol
Je vois derrière ce grand mur de béton
Avec au centre, une meurtrière
Et j'ai peur de regarder au travers
Car que crois-tu qu'il y a derrière ?
Un lac de sel
Un désert où rien ne pourra jamais pousser ?
Si c'est cela, je le traverserai
Viens, prends ma main
Au-delà je sais que nous retrouverons
La forêt
Et ce ne sera plus un décor
Ce sera la vie la vraie
septembre 2017
Brother, take me to the top of a Moutain
To see if the sky up there is clearer
To see if the sun is hotter
Brother, take me to the top of a Mountain
To see if I can trust a man again
This day you told me
We did not have the right to be happy
Did anybody cast a spell on us ?
Is it something like twin's curse ?
Brother, take me to the top of the Mountain
To see if wounds can be smaller
To see if memories can be buried, brother
Take me to the top of a Mountain
To see if I can throw away the pain
To see if I can trust a man again
Je rêve qu'un jour j'habiterai au bord de la rivière.
Peut-être alors y jetterais-je toutes mes idées noires, à chaque fois qu'elles me viennent
J'aurais peur qu'elles salissent l'eau claire
Et puis je serais rassurée
En voyant l'encre sombre s'y diluer
Je rêve qu'un jour j'habiterai au bord de la rivière
Peut-être alors deviendrais-je ce que j'ai toujours voulu être
Un esprit flottant, contemplatif
Perdu dans l'immensité d'un instant éternel et paisible
Sans jamais revenir à la réalité
Quand j'écris les mots
Ils ne m'appartiennent plus
Une fois qu'ils sont dehors ils sont
A ceux qui les ont lus
Peu importe ce qu'ils en feront
Qu'ils s'en moquent, qu'ils les oublient
Ou qu'ils les prennent en leur sein
Qu'ils les disent à d'autres qui en auraient besoin
Et avec eux s'écoule au loin
Ce qu'ils avaient à emporter
Comme un fleuve clair et tranquille
Charrie les corps morts des émotions passées
Parfois
Tu crois que tu vaux moins que les autres
Tu as tort
Il y a de la lumière dans ta discrétion
Et la justesse de tes propos
La différence entre toi
Et ceux qui en l'air agitent leurs bras
C'est qu'ils cherchent encore leur place ici-bas
Ce n'est pas parce qu'ils ne te remarquent pas
Qu'ils existent plus que toi
Il y a de la grâce dans tes postures
Et tes valeurs pour inspirer les impurs
Quelque chose de délicat qui n'appartient qu'à toi...
mars 2017
Souvenir de Gloire
Ce matin-là,
Glorieuse était la Tourbière
Nous n'avons su que tard
Qu'un camion là-bas dans le sud
Avait roulé sur des vivants
Le lendemain tu m'as dit
Que sur la plage il y avait
Des corps nus et luisants
Comme si rien de tout ça ne fut
Et pourtant
Là-haut dans les Vosges il n'y avait
Personne
Le matin la tourbière était déserte
Et pourtant
Que de Splendeur il y avait
Par terre
Ce matin-là, glorieuse était la Tourbière
Janvier 2017
Être à nouveau Foi
Quand on me donnera quelqu'un, quelque part, en qui croire
Être à nouveau Loi
Quand on me donnera quelqu'un, quelque part, pour me protéger
Être à nouveau Toit
Quand on me donnera quelque part, un endroit pour m'abriter
Être à nouveau Voix,
Quand on me donnera quelqu'un quelque part, pour m'écouter
Être à nouveau Soi,
Quand je ne serai plus migrant
Quand il y aura enfin
Quelqu'un, quelque part
Pour m'appeler par mon nom
janvier 2017
Te souviens-tu mon frère
Quand on s'enroulait dans les tissus
Chauds de la peau de notre mère
Mon frère t'en souviens-tu
Crois-tu mon frère
Qu'il soit possible un jour de revenir en arrière
De réparer nos cœurs quand ils sont abimés
De retrouver la paix et la sérénité
Celle du temps jadis où nous n'avions qu'un cordon
Qu'un ventre pour deux et qu'une respiration
Écoutant les mêmes battements de tambour
Peut-être avons-nous cru alors
Que jadis serait toujours
Décembre 2016
Quand tu n'auras plus de désir pour moi,
Je laisserai pousser ma fourrure
Ce sera d'abord par paresse,
Et puis par tristesse
Un jour j'aurai peur, comme toi,
De cette immense toison
Recouverte de chevelure
Un matin au réveil,
Il me sera poussé des oreilles,
Et des crocs
Alors, dans ton dos,
Pendant que tu sommeilles
J'irai à quatre pattes
Le pelage luisant
Gorgé d'énergie sexuelle
Rejoindre ma meute
L'Alpha et l'Omega
Dans la forêt originelle
Il y a les jours de pluie
Les jours tout gris
Les jours difficiles
Les lendemains
Les nuits sans lune
Les jours sans fin
Et puis il y a
Le pouvoir de tes mots
qui arrivent sans prévenir
Comme des averses sans pluie
Tes mots qui sont
Comme des pansements magiques
Des sourires malins
Je les attrape pour les coller au plafond de ma tête
Tes mots comme des étoiles
Eclairent l'obscurité de mon quotidien
août 2016
Do you believe something good can come out of the Chaos ?
Catch a branch and watch the World burn
From the top of the Tree,
Feel the spirits of leaves breathing all around you,
Singing about Freedom and Life
Before all this end and turn to ashes
juillet 2016
Leucosie (la blanche)
Je voudrais être un caillou
Pour briser le verre de ta vitre sans tain
Au travers de laquelle tu ne me vois plus
Je voudrais être un caillou
Pour troubler la surface de ton eau tranquille
Et tout deviendrait flou
Tout deviendrait fou
Un No man's land
Je voudrais être un caillou, un caillou lourd
Pour t’entraîner tout au fond
De mon lac profond
Mon amour
juillet 2016
Solitude
Comme une tenaille au ventre
L'odeur du souffre et de la tourmente
Béant
Le vide entre nos deux corps
Un gouffre sans fond que rien n'éclaire encore
Étrange
Comme le poison soulage
Et apaise un peu le ressac incessant de ce gaspillage
Et plat
Le tracé de mon cœur qui bat
Désormais
Au rythme du silence
juin 2016
Ne te retourne pas
Là, derrière, il n'y a que le vacarme et les gesticulations
Des coqs qui se battent dans l'arène
Ne te retourne pas
Là, devant, à l'horizon
Une lumière
Puise sa force dans la beauté des mots
Et la poésie
Ne te retourne pas
Va la chercher
Et quand tu l'atteindras
Prends-là pour la mettre
Au creux de ton ventre
Prends-là, qu'elle nourrisse ton âme
Et referme la béance
Et d'ici là,
Ne te retourne pas
Je marchais dans ce bois que j'aimais tant, à la recherche des petites ailes colorées des aurores.
Au bout de la grande allée, il y avait une clairière, un pré que je n'avais jamais visité.
Moi qui aime tant découvrir de nouveaux endroits ! J'y suis allée le cœur léger.
Là, j'ai vu deux grandes ailes brunes, plantées au milieu du champ, comme tendues vers le ciel.
Je me suis approchée et je t'ai pris d'abord pour un oiseau mort,
Les serres vers le haut, l’œil exorbité, le poitrail enfoncé
Et tout à coup, tu t'es mis à bouger
Car tu n'étais pas mort
Tes yeux et ta langue, complètement dehors
Ton poitrail qui péniblement, se soulevait encore
Tes pauvres ailes qui battaient dans un ultime effort
Tu n'étais plus un Milan noir, tu étais Agonie
Et mon cœur s'est brisé d'effroi, comme un verre en cristal jeté contre un mur d'acier
Car je ne pouvais pas te tuer
Je ne pouvais pas t'aider
Je ne pouvais pas te soulager
Et dans ma terreur de te voir ainsi souffrir, le paradoxe de ta mort utile s'est frayé un chemin,
Car il était certain, qu'un renard viendrait bientôt t'achever pour faire de ton corps agonisant un festin.
Tandis que ma mort, et peut-être même ma vie, ne serviraient jamais à rien.
avril 2016
J'ai renversé ma colère sur le papier
Comme un pot d'encre de chine, tout entier
J'ai cru qu'elle formerait une mare immuable et indélébile,
Mais, à force de l'observer,
Je l'ai vue se transformer
Je l'ai vue couler en fines rigoles
Et au bout de ses doigts griffus,
Des pétales émus venaient s'épanouir
Tandis que ma colère muait
Pour fleurir doucement l'arbre de ma tristesse
mars 2016
Le Lecteur
Parfois je rêve
Que tu viens me lire en secret
Je n'en sais rien et pourtant tu es là
A me lire, tel un voyeur
Invisible à ma fenêtre, quand je dors
Le jour où je te croiserai, lecteur
Tu me diras " je t'ai lue "
Et sans un mot de plus
Je saurai
Que tu m'as lue toute entière
Comme on pèle une orange
Tu m'as lue jusqu'à la moelle
Et dans l'étincelle de ton regard
Je lirai que tu sais tout
Les failles, les écorchures, les cris qui restent à l'intérieur
Puisque que tu m'as lue toute entière, mon Lecteur
mars 2016
Si je croisais le diable sur ma route,
Je ne lui vendrais pas mon âme
Pour un peu de gloire ou d'argent
Mais si c'était la Forêt
Qui voulait m'absorber toute entière
Je crois que peut-être alors
Je serais prête à tout quitter
J'ai tant de peine à penser
Que mes cendres n'y seront pas dispersées
Quand tu seras orpheline
Quand ta douleur serait tellement plus légère à porter
Si tu pouvais me retrouver
Dans le chant de oiseaux, et la sève des arbres,
Dans les tapis de feuilles mortes givrées
Qui croustillent sous tes pieds
Ce serait plus facile de partir alors,
Si tu pouvais m'y retrouver.
février 2016
T'es comme une vieille amie, la Forêt,
T'es comme cette vieille amie que j'oublie d'appeler,
Embarquée dans mon quotidien
Je pense à elle souvent,
Je me dis : faut que j'aille la voir, absolument !
Les jours passent et je n'y vais pas,
Mais malgré tout, je pense à toi
Et même si on ne se voit pas,
Je sais que l'hiver est long pour toi,
Et que tu souffres aussi, parfois.
Je sais aussi que, quand on se retrouvera,
Malgré mon absence pendant ces moments difficiles
J'aurai droit à ton plus beau sourire,
Comme la Forêt au printemps m'offre ses chemins recouverts de fleurs,
Car,
Mon amie, ma vieille, ma tendre amie, tu es comme la Forêt !
février 2016
Et bien voilà, ça y est :
Demain, j'aurai 40 ans.
Toutes ces années que je n'ai pas vues passer, à me tromper de chemin parfois, souvent, à brasser de l'air.
Et si tout était à refaire ?
Je fais le constat que la vie de l'homme est absurde, que nous cherchons tous des distractions pour fuir la peur de la mort, cette impasse inéluctable vers laquelle nous allons tous.
Certains se distraient par le plaisir, de boire, de manger, de baiser.
Certains s'occupent l'esprit en militant pour de grandes causes, la veuve, l'orphelin, notre mère Nature, nos frères les animaux...
C'est mieux que rien, me direz-vous.
Oui, c'est mieux que rien,
C'est certain.
Et quelle affreuse tristesse, quelle atrocité,
quand cette absence de sens,ce vide insupportable,
se remplit par le meurtre et l'agression.
Et bien voilà, ça y est : demain j'ai 40 ans.
Je ne suis pas malheureuse, non !
J'ai tant de raisons de ne pas l'être.
Je suis juste lucide,et,
A l'échelle de l'Univers,
Je ne suis RIEN !
Décembre 2015
C'est l'automne.
C'est l'automne et il neige.
Des flocons jaunes et oranges tourbillonnent en l'air
Avant d'échouer sur le sol de la forêt.
C'est l'automne.
C'est l'automne et il tonne.
Des coups de tonnerre résonnent dans l'air,
Et peut-être quelque part, là-bas au loin
Un animal s'échoue sur le sol de la forêt.
Quelle triste et étrange vision
De cet animal mort
Sur le sol multicolore.
Novembre 2015
J'ai un terrible aveu à te faire.
Qui sait si tu me pardonneras...
J'en aime un autre que toi
On se voit peu, une fois par an
Seulement
Je ne peux pas dire que j'y pense tout le temps,
Mais quand vient le moment,
Je retombe dans ses bras, inexorablement.
Non, je ne l'aime pas plus que toi,
Je vous aime tous les deux, tu y crois ?
Je l'aime pour sa timide chaleur,
Pour sa débauche de couleurs,
Oui, j'aime Octobre, voilà !
Je l'aime aussi parce qu'il y a 5 ans,
Rappelle-toi,
Au mois d'octobre, j'ai perdu un ami,
Et je t'ai trouvé
TOI
Octobre 2015
Si je pouvais parler à l'enfant qui est en moi, je lui dirais :
Prends
Prends ma main
Prends ma main et n'aie pas peur d'avancer
Regarde
Regarde au loin
Regarder au loin le soleil se lever
Écoute
Écoute bien
Écoute bien le chant de la Terre sous le Ciel étoilé
Goûte
Goûte un peu
Goûte un peu la saveur des fruits sucrés
Respire
Respire encore
Respire encore et encore les embruns salés
Et n'oublie pas
N'oublie jamais
N'oublie jamais quand tu seras grand l'enfant que tu étais
juillet 2015
Il était une fois, un petit et un grand.
Le grand dit au petit :
Dis-moi petit, que feras-tu, quand tu seras grand ?
Le petit répondit : je serai un coquelicot géant !
Pourquoi faire ? dit le grand
Un coquelicot, ça ne vit pas très longtemps !
C'est vrai, dit le petit
Ceci-dit, je serai rouge éclatant
Et tous les jours de ma vie
Je danserai dans le vent !
juillet 2015
Tu as vu comme ce Monde tourne vite ?
A peine entrés, et c'est l'heure de la sortie...
Ton tour de piste est déjà fini
On ne mâche plus, on engloutit !
Mais comment sentir le goût de ce qui est avalé tout rond ?
Je ne sais pas encore comment m'y prendre,
Je ne sais pas encore ce que je ferai quand je serai grande.
Alors laisse-moi faire l'éloge de la lenteur
Faire d'une minute, une heure... et regarder pousser les fleurs
Non, je ne veux pas monter dans un manège-fusée
Pour être propulsée la tête en bas à plus de 6g
Je veux que tu m'emmènes sur une vieille route de campagne
Sans jamais passer la 4ème
Et quand je descendrai de ta voiture
Tout doucement, je marcherai
Parce que le chemin emprunté
Est aussi important
Que l'endroit où je vais
juin 2015
Maman, pourquoi ?
Pourquoi tu m'as jamais dit que j'étais belle ?
Maman, pourquoi ?
J'ai presque 40 ans
Et je souffre toujours autant
C'est toi qu'as raison Maman,
Je dépense des fortunes sur le divan
Et pourtant
Je souffre toujours autant
Maman, pourquoi
Je fais des photos de fleurs
Et je mets des robes à fleurs
Tout le temps ?
En attendant que leur beauté sur moi déteigne un peu
Des robes, j'en ai des dizaines
Et des photos, des centaines,
Mais ça marche pas
Dis moi, Maman, pourquoi ?
Maman, pourquoi
J'arrive pas à grandir ?
J'ai si peur de mourir,
Mais vivre, c'est bien pire
mai 2015
Quand je serai vieille et fripée
Quand tous mes pétales seront fanés
Quand le vent aura tourné
Quand il n’y aura plus personne pour me lire
Je continuerai d’écrire
Pour toi
Pour ce que tu m’as donné
Le temps passé à rire et à chanter
Cette lumière allumée
Je laisserai des mots comme des graines
Pour que tes enfants les sèment
Je laisserai des mots pour qu’ils germent
Et que tes enfants les aiment
avril 2015
Ce matin-là, le ciel était tout blanc.
Le soleil, j'imagine, s'était dissous dedans.
Et dans le bois, il y avait cette musique étrange.
Tu sais, ces sons primitifs, qui résonnent en nous,
Tel un écho grave, et l'instant d'après,
Aussi légers que le tintement du xylophone.
Tu n'as rien entendu, mais j'ai pensé à haute voix
" Prends-moi dans tes bras "
Au moment où je me suis rappelée
Que rien ne dure pour toujours, jamais.
mars 2015
Deux Nivéoles poussaient au bord de la rivière.
L'une demanda à l'autre : " Dis-moi petite sœur, quelle est la nature de la rosée ? "
L'autre répondit : " La rosée est comme le cœur des enfants, limpide le matin. Mais avec le temps qui passe, cette pureté fatalement s'évapore et disparait. "
Et soudain, tout fut envahit d'une immense tristesse.
mars 2014
Je me souviens de cette époque
Où les Hommes s'habillaient de certitudes,
Tandis que je n'en avais aucune.
La seule certitude que j'avais,
Était que je ne savais Rien.
C'est ainsi que je suis entrée dans la Forêt,
Presque nue,
Seulement vêtue de mes doutes,
Car ils laissaient plus de place à l'imaginaire.
Et soudain, la Forêt s'emplit
D'un tourbillon de bulles
Irisées par le Soleil
mars 2015
J'ai tellement peur de la mort.
Je t'assure, l'idée de disparaitre m'est insupportable.
Pour lutter contre,
J'ai eu la foi,
Longtemps.
Ma foi, un jour,
S'est évaporée,
Comme ça...
Alors,
Je construirai un refuge,
Pour toi et moi,
Fait de couleurs et de lumières,
Où la Vie est éternelle.
Où la Vie jamais ne s'éteint.
Elle s'endort juste pour l'hiver.
février 2015
Je n’ai pas besoin d’un meilleur téléphone portable
Pour mieux communiquer avec les gens
Je n’ai pas besoin d’une meilleure télévision
Pour mieux voir que l’on me manipule
Je n’ai pas besoin d’un meilleur ordinateur
Pour être mieux connectée au Monde
Et je n’ai pas besoin d’un meilleur appareil
Pour faire de meilleures photos
C’est moi seule, qui dois m’améliorer
février 2015
Dis-leur
Dis-leur que nous aurions pu vivre en harmonie
Dis-leur que nous aurions pu vivre ensemble
sans nous détester
Dis-leur que nous aurions pu être heureux
sans nous enrichir
Dis-leur que nous aurions pu être joyeux
sans nous engraisser
Dis-leur que pour nous aurions pu nous réjouir
sans agressivité
Dis-leur que nous n'avions qu'à ouvrir les yeux,
pour voir la lumière
Inonder de couleurs ces minuscules choses
Dis-leur qu'il n'était pas trop tard, alors,
pour tout changer
octobre 2014
Te voir ainsi dévêtu de tes pétales
Pour ainsi dire... Nu
Dressé fièrement
au milieu de ce champ
Écarlate, prêt à semer
tes graines au vent,
Me rappelle que
je n'ai plus aucun orgueil
Lorsque tu m'effeuilles
mai 2014
J'ai déjà remarqué que la volonté devenait soluble dans le plaisir. Tu sais, ce moment où tu t'abandonnes, où tu laisses tomber tes principes et tes résolutions, et même ta morale, pour succomber. C'est le point de fusion de la volonté. Jamais mesuré par les chimistes mais pourtant parfois si concret.
Un peu comme ce coquelicot dans l'arrière plan. Son rouge a beau être écarlate, violent, cru comme la lumière de midi, il se dilue comme un reste de gouache dans une toile de fond, et bientôt n'est plus qu'un souvenir, un nuage orangé, qui n'a plus rien à voir avec son vermillon d'antan.
C'est pourquoi, toute résistance est inutile. Car ma volonté toujours finira par se diluer dans le plaisir, comme les coquelicots dans le bokeh.
mai 2014
Lorsque j’étais enfant,
je me rappelle avoir regardé en douce
Les filles de mon école,
brunes, blondes ou rousses.
Parce qu’elles étaient jolies, et que j’étais émue
De leur peau de pêche,
des courbes de leur visage
Des nuques délicates,
des chignons enroulés au-dessus
Et des longs cheveux flottant dans leur sillage.
La plus belle d’entre toutes s’appelait Mathilde.
J’ai pris son nom de baptême
pour le donner à ma fille,
Pour que ce prénom de beauté
Soit comme une bonne fée,
penchée sur son berceau.
Aujourd’hui, que crois-tu que je fais,
L’œil dans le viseur, Entre corolles et calices ?
Je continue d’épier l’harmonie de la féminité.
Mais je te rassure,
cela ne m’a jamais empêchée
D’aimer aussi l’homme que tu es.
mars 2014
L'attente
J’attends que ma journée de travail se termine pour rentrer chez moi et t’embrasser.
J’attends devant la senséo que l’eau soit chaude pour faire couler mon café.
J’attends parfois des heures entières
que le sommeil veuille bien me trouver.
J’attends que ma fille m’appelle
pour me dire que de l’école
elle est bien rentrée.
J’attends aux caisses des magasins,
à la pompe à essence.
J’attends dans le noir, que le film commence.
J’attends des réponses, je prie en silence
Pour une forme ou une autre,
de reconnaissance.
Et lorsque je suis sur le sol d’une forêt, étendue
L’appareil au poing, alors je n’attends plus.
J’embrasse avec mon ventre
le corps de ma seconde mère la Terre,
Toute entière allongée, je n’attends plus.
Et je reconstruis le puzzle du sens de ma vie.
mars 2014
Calme Blanc
Les jours de fièvre où tu ris jaune,
Le vert de rage pour les jours d'orage,
Le rose bonbon pour les jours tendres,
Les jours de misère, bleus comme l'enfer.
Puis
Il y eut
Ce fugitif instant,
Où tout était
D'un calme blanc
mars 2014
My Body is a cage - Part II
Parfois j’aimerais n’être qu’un esprit, pour m’affranchir du fardeau de ce corps trop lourd.
Mais si je quittais mon vaisseau, pourrais-je encore m’engourdir les doigts dans l’eau gelée des torrents ?
Serais-je encore éblouie par le soleil ?
Pourrais-je encore entendre le chant tumultueux des bois pendant l’averse ?
Sentirais-je encore l’odeur de la terre mouillée ? Le goût d’un brin d’herbe longtemps mâchouillé ?
Et comment ferais-je pour te livrer cela, en mots comme en images ?
Je ne suis pas prête à renoncer.
février 2014
Le 1er jour du reste de ma vie
Dire que j’ai attendu d’avoir 36 ans, pour m’émouvoir de la beauté du monde.
Tant de temps perdu à regarder au mauvais endroit.
Il me reste peut-être moins de la moitié de ma vie, pour découvrir toutes les merveilles qui me font envie : les amanites tue-mouche, les sabots de vénus, les perce-neiges, les fritillaires pintades, les orchidées sauvages...
Sans compter les petites choses qui bougent, les salamandres, les tritons, les rainettes…
Les choses à plumes et les choses à poils, tous ces bijoux qui vivent à mes côtés et que je n’avais jamais regardés… Mais à quoi donc étais-je occupée ?
Oh bien sûr, il m’est arrivé pendant mon enfance, de faire des bouquets de coucous et de muguet.
Mais je n’avais pas soupçonné la petite véronique, la flore des bryophytes, les poils des pulsatiles, le mauve délicat des scilles.
J’ignorais la feuille duveteuse de l’hépatique, les clochettes des campanules et des nivéoles, la petitesse du mouron et la frivolité des amourettes.
Mais où donc avais-je la tête ?
Février 2014
Si j’étais un objet,
Je serais en tissu.
Si j’étais en tissu,
Je serais une robe.
Si j’étais une robe,
J’aimerais être fleurie.
Je serais printanière,
Et je serais légère !
Puis le vent soufflera,
Et…
Tu te retourneras
Pour ma jupe en corolle,
Qui soudainement s'envole !
janvier 2014
Une nouvelle année commence... Sans nul doute de nouvelles rencontres m'attendent, au cœur des forêts, des friches, des champs et des jardins.
J'aurai aussi plein d'occasion de vous rencontrer si vous venez à mes prochaines expositions !
Je suis impatiente d'y être, mais pas trop. Car depuis que je fais de la photo, j'ai appris à vivre chaque moment de ma vie pleinement. Et même quand il ne se passe rien, la nature remplit le vide de chaque instant.
J'ai une pensée particulière pour celui qui m'a initiée à cet art... de vivre. Grâce à lui j'ai enfin compris ce que c'était de regarder le monde autour de soi.
Bonne année 2014 à tous les visiteurs qui passeront par là !
Si j'avais su
Pas facile d'avoir envie d'être une femme quand on nait en même temps que son frère. Même si mon jumeau n'était pas mon rival, la comparaison faisait partie de ma vie, elle était là, tout le temps.
Je voulais être plus forte que lui,
je voulais être un garçon.
Un jour la physiologie vous rattrape, et alors,
il nage plus vite que vous, et quand on chahute,
il gagne, immanquablement.
Alors une fois adulte, j'ai continué à vouloir
être un garçon. Je voulais jouer de la guitare électrique, je n'étais douée que pour les arpèges.
J'ai attendu d'avoir 35 ans pour avoir
envie de porter des robes.
Qui aurait cru qu'à 37 ans, la photo m'aurait guidée sur le chemin de la féminité ?
Parfois devant certaines images,
je sens que c'est presque gagné.
Quand une image dégage autant de fragilité
que le papier sur lequel j'aimerais l'imprimer,
Alors je me sens presque réconciliée avec ma féminité.
novembre 2013
My body is a cage...
Tu cries fort pour dire que la beauté n'est pas une qualité, mais aujourd'hui, malgré tout le chemin parcouru, je rêve encore de leur ressembler, pour avoir vu tant de portes s'ouvrir pour elles,
et qui pour moi, sont restées fermées. D'autres portes finalement se sont ouvertes, des chemins qui peut-être seraient restés inexplorés, comme celui de mon imaginaire.
" My body is a cage, but my mind holds the key "
septembre 2013
Au commencement, nous étions 1.
Le jour où je suis née, j’étais 2.
Il était moi et j’étais lui.
Nous nous comprenions sans parler, un regard parfois suffisait.
Je ne sais pas pourquoi il a fallu grandir.
Je n’ai pas compris pourquoi il a fallu que chacun suive son chemin.
C’était ainsi.
Je me suis perdue en chemin, alors même que j’essayais de me trouver.
J’essayais d’être deux, alors que je n’étais plus qu’une.
Depuis quelque temps, j’ai retrouvé mon chemin.
Sur mon chemin, il y avait un appareil photo.
Cet appareil et moi, nous ne faisons qu’un, et avec lui j’aime me sentir seule, pour la première fois peut-être, d’ailleurs.
Mais quand je rentre à la maison avec mes images, sur un logiciel dont je ne citerai pas le nom, alors je duplique mes calques.
Une image devient deux.
Et puis je les superpose, et alors, deux calques deviennent un.
Alors c’est vrai, certaines de mes images ne sont pas brutes de capteur.
Elles sont parfois la compilation de deux photos qui se ressemblent beaucoup…
A ceux qui me diront que je suis une tricheuse, j’oserai répondre qu’avant toute chose, je suis une sœur jumelle.
On raconte qu’il y a très longtemps, en des temps immémoriaux, un Moine aux yeux d’un bleu translucide, vivait reclus dans un Monastère.
Il avait fait vœu de silence et de solitude, et sacrifié sa vie pour des Dieux dont personne ne se souvient plus aujourd’hui.
Les années passaient toutes semblables dans le silence de ses prières au milieu des montagnes arides.
Un jour, sans qu’on sache pourquoi, une femme frappa aux portes du Monastère.
Lorsque le Moine l’aperçut, il ne vit que ses grands yeux verts, d’un vert intense et lumineux comme celui des arbres au printemps, alors que leurs bourgeons éclosent tous à la fois.
Personne ne sait plus pourquoi elle frappait à cette porte, quelle détresse l’avait amenée là.
Le Moine la recueillit et rompit son vœu de silence et de solitude.
Puis une nuit il la posséda.
De cette unique union naquit une enfant, une fille dont les yeux n’étaient ni bleus, ni verts, mais les deux à la fois.
Alors le Moine fut maudit.
On lui imposa la forme d’un animal impopulaire, et il se changea en Vautour.
Il fut condamné à planer au dessus de la terre, que les quatre vents faisaient tourner sans cesse.
Un jour, le Vautour Moine passa au dessus d’une rivière qui n’était ni bleue ni verte, mais les deux à la fois.
Il demanda aux quatre vents : « arrêtez le Monde, je voudrais descendre ».
Les quatre vents cessèrent momentanément de faire tourner la terre, et le vautour se posa au bord de la rivière.
Depuis ce jour, le Vautour Moine vole dans les gorges du Verdon.
Au dessus de l’eau dont la couleur lui rappelle tant celle des yeux de son Enfant.
Conte de la Forêt du Val Suzon
Il était une fois un enfant.
L’enfant n’avait pas d’âge, et pourtant, il grandissait.
Et plus il grandissait, plus il vieillissait.
Et plus il vieillissait, moins il aimait le monde autour de lui.
Il n’aimait pas ce qu’il voyait, ce qu’il sentait, ce qu’il touchait, et il n’aimait pas non plus ce qu’il entendait.
L’enfant était en train de devenir un homme triste.
Un jour, au mois de mars, l’enfant sans âge s’en alla dans la forêt.
Il s’enfonça très profond dans les bois, et marcha très longtemps.
Il vit le ruisseau d’émeraude qui serpentait entre les arbres.
Il vit les nivéoles et les scilles qui poussaient dans la mousse.
Il entendit le chant des passereaux, et le cri de la buse.
Il vit des terriers cachés dans les souches, et sentit l’odeur de la terre humide.
Et puis au bord d’un chemin, il vit une Anémone Sylvie.
Elle était toute seule, elle était si fragile, elle était comme lui.
Il s’allongea par terre et se mit à la regarder.
Il la regarda si longtemps et si fort, que l’Anémone se transforma en fée.
La Fée demanda à l’enfant qui n’avait pas d’âge : quel vœu souhaites-tu exaucer ?
L’enfant réfléchit longtemps, puis il dit :
J’aimerais qu’une partie de moi soit toujours dans la forêt.
Alors la Fée exauça son vœu.
Elle lui prit une oreille, et délicatement, elle la cacha sous la mousse, entre les nivéoles et les scilles.
L’enfant sans âge repartit, et devint un homme.
Il était à moitié sourd au Monde autour de lui.
Mais la nuit, il entendait, depuis son oreille, cachée dans la forêt, le vent dans les arbres, le bruit du ruisseau qui serpentait, et parfois, au dessus de l’Anémone, la chouette hulotte qui
venait se percher.